CONCLUSION. LA ROYAUTE ET LA COUR DE FRANCE AU DEBUT DES TEMPS MODERNES

Les recherches sur l'evolution de la construction de l'absolutisme a la fin du moyen age et au debut des temps modernes necessitent que Ton consulte les fondements de la monarchie absolue et la societe de l'epoque.

D'apres l'historiographie europeenne, les institutions politiques de la France des XVI et XVIIIeme siecles sont appeles par convention «Ancien regime». Cette denomination sous-entend un pouvoir quasi despotique d'un roi qui gouvernait avec l'appui de l'armee, un systeme bureaucratique bien developpe ainsi qu'une Cour et une noblesse qui parasitaient le pays.

S'etant etablie comme source de pouvoir presque absolu et ayant aboli la majorite des privileges sociaux et politiques traditionnels, la royaute tentait d'en finir avec l'esprit meme du moyen age a savoir, sa composition sociale en classes sociales bien determinees, ses institutions juridiques traditionnelles et ses prerogatives seigneuriales qui entravaient les pleins pouvoirs de la Couronne.

C'est dans cette optique que cette derniere a fait une offre des plus seduisantes aux membres des assemblees des etats de province et du parlement, aux representants des assemblees de la noblesse et du clerge. Elle se proposait de[258] les rapprocher du pouvoir et donc des caisses de l'Etat. Cependant ceci devint avec le temps un moyen de pression efficace de cette Cour reconstituee, sur la Couronne dont dependait toujours la politique de tout le pays. Croyant fermement qu'en soumettant la Cour on pouvait man?uvrer la principale force sociale de l'Etat, c'est a dire la noblesse, les monarques francais ont bien mal evalue la situation dans laquelle ils se mettaient. En effet, en s'entourant d'une Cour a laquelle ils pouvaient certes commander, ils ont omis qu'il fallait aussi tenir compte des interets de celle-ci. La noblesse de France, si on la compare aux elites similaires des autres pays, se caracterisait surtout par la conscience qu'elle avait de sa classe mais aussi par le prix qu'elle attachait a sa liberte. Ainsi se soumettaient-elle a la Couronne afin d'obtenir de sa nouvelle position des privileges; de sorte que jamais celle-ci ne laissait passer une chance d'obtenir du roi une quelconque faveur materielle. Il ne fait aucun doute que le roi dependait du bon vouloir de ses courtisans, des luttes des clienteles de gentilshommes, de l'opinion qui se formait dans l'enceinte de la Cour avant de se disperser a travers tout le pays. Du fait de ces relations avec la Cour, la monarchie en France ne devint jamais une monarchie absolue.

Cependant, au Cours des XVI et XVIIeme siecles, la Cour ainsi que le regime absolutisme n'en a pas moins beaucoup evolue. Ainsi, la Cour durant la seconde partie du regne de Louis XIV (1643-1715) et de ces predecesseurs se differencie-t-elle fondamentalement de la Cour du XVIeme et de la premiere moitie du XVIIeme siecle, bien qu'etant issue de cette derniere. On doit cependant remarquer dans ce lien que l'expression «Ancien regime» ne reflete pas les subtilites de la structure politique de la France des XVI et XVIIeme siecles qui reste un exemple a part dans l'histoire de France.[259]La Cour a cette epoque, se developpait sous le regard attentif de la Couronne qui souhaitait faire de celle-ci le meilleur rouage de l'appareil d'etat. Durant le regne de Louis XIV, lorsque se posa le probleme de l'opposition ouverte de la Cour, celle-ci se mit a dicter ses conditions a la Couronne en echange de sa loyaute et dominer tout le pays. En realite, le roi ainsi que la bureaucratie, de meme que les residus des institutions traditionnelles du pays se retrouverent au service a la Cour. Une des causes de la revolution francaise au XVIIIeme siecle n'est autre que l'existence de cette Cour qui parasitait le pouvoir royal et epuisait les ressources et la patience du pays.

Cependant, toute la logique de la lutte de la monarchie pour construire, maitriser et diriger sa Cour, montre bien que les desseins a long terme de la Couronne etaient loin de ce qu'elle atteignit en realite. En effet, chaque pas effectue dans l'organisation de la Cour de l'epoque correspondante s'averait etre une etape de developpement de l'absolutisme ayant joue un role sans doute plus positif que negatif pour la France des XVI et XVIIeme siecles. Jusqu'a la fin du XVIIeme siecle, la royaute devancait la Cour par l'initiative de ses reformes, initiative qui disparut rapidement apres que celle-ci s'imposa. La Cour conserva son developpement propre et ne laissa pas le souverain intervenir dans les regles de son fonctionnement qui de fait, perdurerent. Si a l'epoque des derniers Valois et des premiers Bourbons la majorite de la noblesse de souche qui faisait l'essentiel de la Cour, continuait de voir dans le souverain un suzerain et le chef supreme de l'armee et, en somme se conformait a la tradition, rendant hommage pour un fief, sous Louis XIV, les melanges sociaux rattacherent la Cour a l'appareil juridique et administratif et changerent la nature meme de l'aristocratie tandis que s'effectuait le remaniement des elites, et qu'au sommet[260] se propulserent membres du parlement et bureaucrates, peja la noblesse ne se considerait plus comme d'epee mais uniquement comme noblesse de Cour, donc classe privilegiee, pourtant le cardinal de Richelieu ecrivait au sujet de la noblesse, que: «la guerre est son devoir premier, car la noblesse qui n'est pas prete a guerroyer au premier appel de son roi, est un luxe et un fardeau pour son pays et ne merite pas les privileges qui la distinguent des petites gens»

Neanmoins les considerations du role social de la noblesse aux XVI-XVIleme siecles prenaient racine dans un passe lointain, a l'epoque de l'age d'or, ce qui finalement restait moyenageux. En somme, tous les efforts du pouvoir royal pour centraliser la France et soumettre les feodaux rebelles au XVIeme siecle se sont mues au fur et a mesure en une lutte pour centraliser la Cour et diriger la noblesse d'epee vers le service de l'etat.

Les guerres civiles (1559-1598) qui se sont deroulees durant le regne des derniers des Valois eclaterent en partie a cause de la reaction de la noblesse a l'autorite grandissante du pouvoir royal. De fait la volonte d'Henri III (1574-1589) de reconcilier deux camps rivaux de la Cour se solderent par une exacerbation de la tension. En creant une hierarchie stricte dans les rangs et les protocoles, en elargissant le systeme des institutions de la Cour, le roi a de lui-meme provoque le conflit avec la noblesse catholique dont il avait le soutien au debut, en excluant de la structure de la Cour un certain nombre de clienteles de gentilshommes. Le pouvoir royal au XVIeme siecle n'a pas pu gagner la maitrise de la Cour car il a laisse grandir la haute aristocratie ce qui par la suite, l'a oblige a louvoyer entre differentes alliances en lutte. Ainsi, toutes les tentatives de Henri III d'attirer les Grands a la Cour se heurterent-elles a leurs ambitions politiques ce qui entraina le roi dans une lutte d'influence[261] ayant pour but d'attirer la noblesse de haut lignage de son cote.

Les epreuves subies par la Couronne durant les guerre» civiles ont cependant contribue a satisfaire un desir de compenser la perte d'un pouvoir plus ancien. Aussi les monarques placerent-ils au-dessus de tout l'idee de la nature divine du pouvoir royal, la grandeur de sa majeste royale ce qui se traduisait notamment par un developpement demesure du Protocole (Reglement). Il etait clair que dans des conditions de paix ce Reglement pouvait discipliner la noblesse et devenir un moyen de manipulation.

Les premiers Bourbons ont en somme suivi le chemin trace par Henri III en continuant a cantonner les Grands aux seconds roles et les placant au plus loin de la vie politique. Il leur fut de ce fait beaucoup plus facile d'agir qu'aux roi des dynasties precedentes puisque les desordres civils avait saigne a blanc la noblesse car nombre de chefs de file avaient peri dans des luttes intestines. Cependant, toute la noblesse n'etait pas prete a soutenir la Couronne et a accepter la severite du protocole. La polarisation de la noblesse restait un facteur fondamental de la vie politique de la Cour et du pays. La Couronne utilisait frequemment les luttes des fractions pour renforcer sa position. Les courtisans qui ne retenaient pas particulierement l'attention royale poussaient les courtisans qui leur etaient superieurs en rang et a qui ils etaient subordonnes a intriguer et comploter. De ce fait, ils entraient en guerre avec le reste des courtisans fideles a la Couronne parmi lesquels on comptait beaucoup de noblesse recente. La politique sociale de l'absolutisme etait encore trop imparfaite pour assurer une charge a tous les nobles surtout au sein de la Cour. Le pouvoir a cependant reussi a briser la tendance de formation des clienteles des Grands en les couvrant d'honneurs et de largesses materielles tandis[262] que les mesures prises a rencontre de l'opposition etaient des plus draconiennes. La petite et moyenne noblesse isolee et ruinee prefera la paix avec le pouvoir royal qui voit remonter son origine a la seconde moitie du XVIIeme siecle.

L'institution de la Cour a assure la victoire de la politique de Henri IV (1589-1610) ainsi que celle de Louis ХIII (1610-1643). Les travaux menes pour le perfectionnement de sa structure, l'augmentation du nombre de ses membres ne cesserent jamais durant les regnes de ces rois bien qu'ils n'eussent pas beneficies de grande experience de la part de leurs predecesseurs dans le domaine de l'organisation de la Cour. Cependant, la Cour devint un fondement solide du destin de la noblesse, puisque les charges de Courtisans devenaient pour nombres de ses membres le principal bien de la famille et constituait l'heritage. Le cercle de la Cour ou «la societe de la Cour» eut sous Louis XIII une tendance a se renfermer sur elle-meme, devenant ainsi l'institution socio-politique principale du pays. La Cour dans les annees 20-30 se mit a fixer dans des registres particuliers les membres la constituaient en fonction de leur naissance. La Cour au service de la Couronne: tel etait le but de Louis XIII et de son Premier ministre Richelieu. C'etait a cette fin que la Couronne voyait la cime de sa grandeur.

La position ambivalente de la Cour consistait, d'une part a se poser comme facteur stabilisateur pour la noblesse puisque cela lui permettait d'avoir acces au pouvoir et a la richesse, et d'autre part comme facteur destabilisateur pour la Couronne dans le sens ou une partie des courtisans considerait comme insuffisante leur participation aux affaires de l'Etat. Les constantes manifestations du mecontentement de la noblesse sous le regne de Louis XIII et de son ministre le Cardinal de Richelieu (1624-1642) etaient proches par les raisons, les buts, le caractere, moyens de luttes et[263] disposition de force, des exemples du moyen-age lorsque les feodaux luttaient avec le pouvoir royal pour le «bien commun» et avait aussi des traits caracteristiques de l'epoque moderne. Des revoltes armees semblables a celles du moyen- age, dont le but etait la constitution d'un pouvoir plus juste s'organisaient dans les provinces et, le seul tenu responsable de la tyrannie n'etait autre que Richelieu. Au sein de la Cour, une lutte d'une ampleur encore jamais vue fut menee par la fraction de la noblesse pour le pouvoir et le droit d'etre proche du roi, principale source de celui-ci. L'echec de celle-ci donna lieu a une autre forme d'opposition tout aussi etonnante pour l'epoque: l'emigration massive de la noblesse, ce qui deviendra un element caracteristique de l'histoire de l'absolutisme francais.

Malgre la nette victoire de l'absolutisme dans la periode que l'on etudie, les courtisans et plus largement la noblesse separatiste n'avait pas encore perdu toutes ses forces comme le montrera plus tard la Fronde. La lutte de la Couronne pour la Cour continuait.[264]









 


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